Été
José Saborit
Pendant de nombreux longs étés à la montagne, les aquarelles ont commencé à se faire (c’était comme si elles se faisaient toutes seules ou, du moins, comme si elles réclamaient à être faites), surgissant en parallèle aux grands paysages à l’huile et en contrepoint de ceux-ci. Elles sont nées pour renouveler l’attention portée à la vie végétale et, d’une certaine manière, pour mieux respirer.
Prêter attention suppose un premier temps, un premier mouvement qui conduit à la musique de l’amour. Et la discipline de la technique de l’aquarelle — légère, intime et directe — favorisait ce regard attentif à la petite vie végétale et à son intelligence secrète ; à cette beauté gratuite et anonyme qui ne coûte rien ; à l’héroïsme paisible qui demeure immobile ; au détail, dont l’étymologie (tailler, taliare) est peut-être apparentée à la coupe et à la fragmentation des arbres. Enfin, également à la lenteur, au silence soutenu de la contemplation.
Ainsi sont nées les aquarelles végétales comme une manière silencieuse de dire merci. Pour ne pas oublier ce qu’on a appris des plantes, pour recueillir et fixer leurs enseignements.
Les motifs se trouvaient partout — à Denia et à Jávea, dans la Sierra d’Espadán, dans le Camp de Túria — et à tout moment, mais surtout à Náquera et en été. Dans cet intervalle qui, chaque année, renouvelle son refrain avec l’enfance et ses liens avec l’éternité.
Dans ce temps différent qui nous sauve, ou dans lequel nous pouvons nous sauver, parce que nous pouvons cesser d’être les otages de la performance, de la compétitivité, du succès et de tout ce qui empoisonne l’intense saveur nue de la vie.
Chaque été, spontanément, presque sans volonté et, bien sûr, sans aucune idée de projet, des aquarelles se faisaient comme une belle manière d’habiter la montagne. Prêter attention à ce qui, en ce lieu, s’offre à nous, et ne pas y être comme on serait ailleurs.
Des aquarelles réalisées sur le motif, captant ce qui est le plus proche, ce qui vient à notre rencontre et que l’on peut toucher.
Au fil des ans — plus de dix —, elles se sont accumulées. Une première série intitulée Double ombre. Journal d’août a été exposée en 2012 à l’IVAM, dans le cadre de l’exposition Plus au Sud, et y est restée. Parmi les nombreuses aquarelles réalisées par la suite, avec plus de couleurs et de formats plus grands, j’ai voulu maintenant faire une sélection de 86 d’entre elles pour les présenter à l’Institut Cervantes de Tanger.
J’ai voulu composer avec elles une sorte d’herbier qui réunit non seulement les formes et les couleurs des plantes, mais aussi les moments d’attention, tout ce temps consacré à capturer leurs formes et couleurs, qui, en soi, a déjà été d’une valeur inestimable.
Un herbier, car les plantes ne sont plus à leur place. Elles ne sont nulle part, suspendues dans le limbe blanc entre la mémoire et l’oubli, entre ce que la représentation parvient à capturer et tout ce qui se perd. Suspendues dans l’espace pour qu’elles puissent aussi rester suspendues dans le temps.
José Saborit, peintre et écrivain, professeur titulaire à la Faculté des Beaux-Arts de l’Université Polytechnique de Valence, membre de l’Académie Royale de San Carlos de Valence.
Depuis la fin des années 1980, sa peinture a été présentée dans plus d’une centaine d’expositions collectives et individuelles et figure dans différentes institutions et collections privées nationales et étrangères.
Parmi ses dernières expositions, on peut citer Avec l’air (Centre del Carme, Generalitat Valenciana, 2008), Plus au Sud (IVAM, 2012), La même sève (Galería Shiras, Valence, 2017), Art Madrid (2018), L’escalier de Jacob (Galería Shiras, 2018), Tandis que la lumière (O_Lumen, Madrid, 2018-19), Été (Jardin Botanique de l’Université de Valence, 2022).