Toujours revenir
«Tanger fait partie de ma vie depuis avant que je puisse m'en souvenir. Depuis le berceau, depuis le ventre de ma mère, où la nostalgie de sa terre a dû me marquer.
Tanger, ce sont les étés dorés de l'enfance, quand y aller signifiait rentrer à la maison. Tanger, la musique et les odeurs d'alors, les chansons de ma mère, les récits de mon grand-père.
Tanger, ce sont les racines d'une famille déracinée, l'être et le non-être à la fois, la maison du métis du monde, être toujours de passage et y laisser son cœur.
Toute une vie à aller et venir, et moi, je voulais rester.
Arriver à Tanger m'a toujours enivré, comment ne pas vouloir rester ?
Entrevoir Tanger dans la brume lointaine, traverser le détroit en bateau, et sentir mon pouls s'accélérer, la joie débordante.
Descendre d'un avion et caresser la brise tangerine qui embrasse ton visage.
Déborder de sourires.
Arriver à Tanger et me sentir revivre, comme si rien d'autre ne comptait en ce monde.
Je voulais rester.
Tanger est dans mes toiles déchirées, dans chaque éclat de bois, dans la destruction de mon œuvre et dans sa renaissance, sous toutes ses formes.
Tanger est dans ma lumière et mes couleurs, dans chaque trait, dans mes peurs et mes triomphes, dans mes larmes, dans mon bonheur.
Tanger dans les veines, Tanger sur les pinceaux.
Combien d'années passées à parcourir ses rues, à monter sur ses toits, à voler ses secrets pour habiller mes toiles.
Combien de mer dans les cheveux, déteignant sur mes tissus, combien de soleil, combien de vent capturés, se tendant dans mes mains, dans toutes les coutures qui remplissent de ombres la médina.
Toujours revenir, toujours l'emmener avec moi.»
Carla Querejeta Roca