Mémoires partagées. Les Morisques entre les deux rives

Le 9 avril 1609 fut signé le premier décret d’expulsion des Morisques des territoires de la monarchie hispanique, une mesure aux conséquences tragiques. Cet événement, qui se prolongea jusqu’en 1615, entraîna, au fil de vagues successives d’exils massifs, le départ de plus de 275 000 habitants d’Espagne, héritiers de cet islam hispanique établi sur le sol péninsulaire depuis l’an 711. Les Morisques expulsés entre 1609 et 1615 se répartirent principalement entre l’Algérie et le Maroc, dans un premier temps, puis en Tunisie lors d’une seconde vague composée de Morisques castillans et aragonais, après leur passage par la France. Ces exilés durent s’intégrer, non sans difficultés, aux rythmes complexes des sociétés maghrébines, collaborant parfois activement avec les autorités, mais suscitant à d’autres moments leur méfiance. Bien qu’un certain nombre d’entre eux périrent durant le trajet, on peut affirmer qu’une grande majorité parvint à destination. Ils bénéficièrent pour cela de l’aide des autorités maghrébines et ottomanes — l’Algérie et la Tunisie étant alors des provinces de l’Empire ottoman —, qui les guidèrent vers des lieux sûrs et planifièrent leur installation sur les terres du Maghreb.