Nacida sombra
Facundo Pechervsky
Nacida sombra, un spectacle qui fait partie du Congrès mondial de Flamenco, organisé par l'Institut Cervantes à l'occasion de son 30è anniversaire,
représente une rencontre de la danse flamenco avec les grandes créatrices de l'âge d'Or en Espagne. Le flamenco danse au féminin pluriel les textes des
auteurs classiques des XVIè et XVIIè siècles.
Quatre lettres imaginaires écrites à des moments et des lieux différents tissent le dialogue entre les voix de quatre femmes artistes : Teresa de Jesús, María de Zayas, María Calderón et Sor Juana Inés de la Cruz. A travers la danse, la musique et les mots, elles dévoilent leurs expériences, préoccupations, créations et secrets pour fonder les liens qui les unissent : la solitude comme prix du courage, les labyrinthes de l'amour et la recherche douloureuse de la liberté.
L'agonie mystique de Teresa de Jesús dans la cellule de son couvent; les intrigues de palais de la romancière María de Zayas dans les salons de la Cour; les lumières et les ombres de la célèbre actrice María Calderón sur la scène d'un corral de comédie et les rêveries et les controverses de Sor Juana Inés de la Cruz dans son jardin exubérant. Quatre phases de lune, quatre espaces, quatre femmes: quatre mondes à danser, penser, ressentir et vivre.
Le fil conducteur est constitué par les propres textes des auteurs, leur parole vivante: poèmes, vers et textes qui coexistent dans le chant, donnent forme et substance à la musique et dialoguent avec la danse et l'espace. L'ampleur de l'expression flamenco permet d'aborder ces univers très différents et d'en restituer la poétique, de l'évocation des vers de Sor Juana en passant par les styles "aller-retour" jusqu'à l'austérité et la pureté paradoxale de «Vivo sin vivir en mi teresiano por soleá».
De plus, Nacida Sombra incorpore diverses références au flamenco de la musique populaire de l'époque baroque, telles que la folia, la chaconne, la danse Marizápalos, la romance ou le chant de Noël; un dialogue entre des traditions liées à travers les siècles. Liées par le talent chorégraphique de Rafaela Carrasco, l'une des grandes créatrices du flamenco contemporain, et par la dramaturgie d'Álvaro Tato, l'un des écrivains émergents de la scène espagnole, les voix féminines de la littérature classique prennent un nouveau souffle. Elles-mêmes, les ombres nées, éveillent au XXIè siècle la lumière de notre conscience.