À l’approche du cinquantenaire de la fin du régime franquiste, les offensives négationnistes des nostalgiques, les contre-vérités du faussaire Moa ou les manipulations partisanes de Vox, mais aussi la tentation relativiste d’une partie de la société espagnole, notamment de la part des plus jeunes générations, ont rendu plus que nécessaire le travail d’analyse et d’inventaire des historiennes et historiens sur les quatre décennies de dictature et sur une Transition, essentialisée et érigée en modèle par les pères de la démocratie. Observant les difficultés de l’Espagne à intégrer « l’âge global de la mémoire » (Baby, 2024), cette table ronde se propose d’offrir un regard croisé et une lecture renouvelée des traces et réminiscences persistantes de la dictature – amnistiée mais dont la violence reste pourtant indélébile – et de la transition démocratique – qui n’en fut pas moins violente –, au cours de ce dernier demi-siècle.
Constatant l’adaptation et de la réinvention des élites franquistes par-delà la transition, dans le système démocratique (Sesma, 2024), la discussion entre Sophie Baby (Université de Bourgogne) et Nicolas Sesma (Université Grenoble Alpes) entend également penser le rôle des acteurs (pouvoirs publics, société civile, etc.), tant dans l’écriture d’un passé proche et douloureux que dans l’inflation de la desmemoria, par de multiples interprétations et instrumentalisations.
Sophie Baby est maîtresse de conférences HDR en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Elle a notamment publié Le Mythe de la transition pacifique. Violence et politique en Espagne (1975-1982) (Casa de Velázquez, 2012) et plus récemment Juger Franco ? Impunité, réconciliation, mémoire (La Découverte, 2024).
Nicolas Sesma, maître de conférences en civilisation de l’Espagne contemporaine à l’Université Grenoble Alpes, ancien membre de la Casa de Velázquez. Il vient de publier Ni una, ni grande, ni libre. La dictadura franquista (1939-1977) (Crítica, 2024).